Mieux comprendre les Facteurs Organisationnels et Humains (FOH) pour améliorer et fiabiliser les processus de production

Mieux comprendre les Facteurs Organisationnels et Humains (FOH) pour améliorer et fiabiliser les processus de production

Col bleu, col blanc… même combat ! À l’usine comme au bureau, nous travaillons toujours sous l’effet de différents Facteurs Organisationnels et Humains (FOH). Mais de quoi s’agit-il exactement ? Et pourquoi est-il essentiel de les analyser ?

Pourquoi prendre en compte les Facteurs Organisationnels et Humains ?

Les Facteurs Organisationnels et Humains (FOH) représentent un ensemble d’éléments qui impactent un processus de production et peuvent, dans certaines conditions, provoquer l’échec d’un projet, une non-conformité, un incident ou un accident.

La prise en compte des FOH ne s’est pas imposée d’emblée : initialement – et ceci est encore vrai aujourd’hui dans de nombreuses entreprises – quand on découvrait un problème ou qu’on était face à un échec, on se contentait de chercher un responsable, celui qui avait pris la « mauvaise » décision ou commis la « boulette ». Et lorsqu’on le trouvait, le management intervenait a minima pour le recadrer, assez souvent pour le sanctionner.

On s’est toutefois aperçu que cette approche par la responsabilité individuelle et la sanction ne permettait pas d’améliorer et de fiabiliser les processus de production. C’est assez simple à comprendre si l’on considère qu’un salarié commettant un acte inadapté dans une situation donnée sait généralement ce qu’il aurait fallu faire mais, pour différentes raisons, le plus souvent indépendantes de sa volonté, ne l’a pas fait. D’ailleurs, ce salarié s’en veut généralement de ne pas avoir agi de manière appropriée et n’a qu’une envie, ne pas reproduire le même acte dans la même situation. Recadrer ou sanctionner quelqu’un qui est dans cet état d’esprit n’a que peu d’intérêt. Par contre, si l’on identifie les causes de l’acte inadapté, pas juste ses causes immédiates mais aussi ses causes profondes, alors on peut agir sur elles et, ainsi, réduire la probabilité que ce salarié ainsi que d’autres placés dans une situation similaire ne reproduisent le même acte. Mieux encore : en agissant sur les causes profondes des événements qui affectent une activité, on améliore le fonctionnement global d’un service, voire d’une entreprise.

Comprendre comment agissent les FOH

Il est courant de représenter schématiquement les FOH par de grands pavés regroupant chacun un ensemble de facteurs (fig. 1). Ce type de représentation a l’avantage de cerner de manière relativement simple un ensemble de conditions à réunir pour que des équipes de terrain produisent une activité efficiente et sûre. Toutefois, il ne permet pas de comprendre comment ces différents facteurs sont liés et impactent l’activité humaine au point, parfois, de provoquer un accident. Ce manque de compréhension se retrouve dans les analyses d’événement affectant la production : elles font souvent apparaître des facteurs sans que leurs liens entre eux et même leur lien avec l’événement ne soient établis.

Figure 1. Classification des FOH en 4 familles (liste non exhaustive)

Un modèle de l’activité basée sur des ressources

Une vision simplifiée de l’activité humaine considère qu’elle est déclenchée par la volonté d’atteindre un certain but et qu’elle mobilise pour cela des compétences permettant d’appliquer les actions adaptées. Cette conception élude toutefois le recours à un ensemble de ressources nécessaire à l’identification et la mise en œuvre réussie de ces actions.

D’ailleurs, il serait faux de penser que l’ensemble des facteurs représentés dans la figure 1 impactent le comportement humain de la même façon. En réalité, certains l’impactent directement, tandis que d’autres n’ont en réalité qu’une influence indirecte.

Pour comprendre cette distinction, il est nécessaire d‘adopter une vision de l’activité humaine basée sur l’exploitation de différentes ressources. Ces ressources, qu’on peut concevoir comme de petits réservoirs dans lequel un individu puise pour agir, portent notamment sur les aspects suivants :

  • La forme physique pour trouver la force d’agir
  • L’attention pour percevoir, traiter et intégrer toutes les informations utiles à l’action
  • La mémoire pour enregistrer et retrouver des informations utiles à l’action
  • Les outils disponibles, lorsque des outils sont nécessaires
  • La documentation consultable, lorsque l’action peut s’appuyer sur une documentation
  • Les savoirs disponibles pour analyser une situation et identifier ses spécificités afin de choisir les actions qui lui sont les plus adaptées
  • La représentation de la tâche qui contient l’objectif à atteindre, tel qu’il a été compris, et les éléments de la situation tels qu’ils sont prévus
  • L’expérience stockée en mémoire qui permet de retrouver des informations utiles à prendre en compte avant d’agir
  • Les autres personnes mobilisables en cas de besoin

Les ressources de l’activité humaine sont ainsi physiques, cognitives, sociales et techniques. Leur état est variable d’une personne à l’autre – tout le monde n’a par exemple pas la même quantité d’énergie ou la même capacité de mémorisation. Et il est aussi variable pour une même personne selon le contexte : dans un environnement bruyant par exemple, un acteur n’a pas les mêmes capacités d’attention que dans un environnement calme.

Lorsque les ressources d’un acteur baissent ou ne sont pas adaptées à la situation, et que cet acteur n’en a pas conscience, la probabilité qu’il opte pour un comportement inadapté ou commette une erreur augmente sensiblement. Pour éviter cette situation, il faut comprendre ce qui fait baisser ou rend inadaptées ses ressources. C’est là qu’interviennent les FOH…

Des facteurs impactant directement ou indirectement l’état des ressources l’activité humaine

Les FOH regroupent l’ensemble des facteurs qui modifient l’état des ressources de l’activité humaine. Pour bien comprendre leur impact, il est nécessaire de les hiérarchiser (figure 2) :

  • Au 1e niveau, on trouve les facteurs qui ont un effet direct sur l’état des ressources utilisées par les acteurs et influencent directement leurs comportements. Par exemple, une charge de travail élevée réduit la capacité d’attention d’une personne ainsi que sa capacité d‘analyse de la situation ; une fatigue importante réduit l’énergie disponible d’une personne, sa capacité d’attention ainsi que sa capacité de mémorisation ; le fait pour des acteurs opérationnels de ne pas avoir suivi un cycle de formation continue réduit leur capacité à mobiliser les savoirs utiles pour traiter diverses situations inhabituelles et peut les conduire à commettre des erreurs.
  • Au 2e et 3e niveaux sont représentés les facteurs qui ont un effet indirect sur les comportements humains. Le 2e niveau de FOH regroupe des facteurs qui ont causé la présence des facteurs de 1e niveau. Par exemple, la charge de travail élevée ainsi que l’état de fatigue avancé ressenti par une personne (facteurs de 1e niveau) peuvent s’expliquer par un manque d’effectif dans un service (facteur de 2e niveau). Les facteurs de 2e niveau s’expliquent eux-mêmes par des facteurs de 3e Par exemple, le manque d’effectif dans un service peut s’expliquer à la fois par des difficultés de recrutement ainsi que par plusieurs arrêts maladie. Et ainsi de suite…  on peut remonter jusqu’au 3e, 4e ou 5e niveau de FOH pour expliquer un événement indésirable.

Figure 2. Représentation multi-niveaux des FOH

Il faut noter que tous les exemples évoqués ici sont simplifiés dans la mesure où, bien souvent, l’explication de la présence d’un facteur regroupe plusieurs causes et un facteur a lui-même plusieurs effets. Dans le cadre de cet article, nous n’avons toutefois pas besoin d’entrer dans cette complexité.

Cela dit, les facteurs représentés dans la figure 2 suffisent à dresser un constat majeur : l’explication d’un comportement inadapté sur le terrain implique quasiment toujours plusieurs acteurs et, même, plusieurs services. Ceci s’explique par les liens d’interdépendance qui se nouent au sein d’une organisation et par le fait que les décisions et actions des uns impactent les ressources nécessaires aux autres. Par conséquent, si la notion de responsabilité doit être invoquée, elle ne peut être le plus souvent que partagée.

Améliorer et fiabiliser les processus de production à partir de l’analyse des FOH

L’analyse FOH n’est pas qu’un exercice intellectuel : c’est un levier essentiel pour améliorer et fiabiliser durablement les processus de production, quels qu’ils soient.

Concrètement, la démarche commence par réunir l’ensemble des acteurs ayant la capacité d’engager des actions en lien avec les facteurs identifiés. Dans la plupart des cas, deux réunions suffisent pour définir des solutions et bâtir les plans d’action nécessaires à leur mise en œuvre.

La première réunion sert à recenser tous les facteurs à l’origine d’un problème et leur chercher des solutions, à deux exceptions près : (1) les facteurs qui échappent totalement au champ d’action des participants – même avec une bonne idée, ils n’auraient pas les moyens de la mettre en place ; (2) les facteurs correspondant à des situations « normales » – qui, par nature, ne justifient pas d’action corrective.

Pour chacun des autres facteurs, 2 questions guident la réflexion :

  1. Quelles actions permettraient de supprimer ou, à défaut, de limiter ce facteur ?
  2. S’il est impossible de le supprimer complètement et définitivement, comment limiter son impact et éviter qu’il ne contribue à un nouvel échec, incident ou accident ?

L’idéal serait bien sûr d’éradiquer tous les facteurs à l’origine des événements indésirables liés à une activité. Mais en pratique, cela reste rarement possible – d’où l’importance de la deuxième question.

Prenons un exemple en se référant à la figure 2 : on aimerait trouver comment supprimer les contraintes économiques à l’origine de la gestion des effectifs « au plus juste » mais cela relève de l’utopie. Ce type de contrainte doit plutôt être considéré comme une donnée de départ. L’enjeu consiste alors à concevoir des processus efficaces et sûrs malgré ce type de limite, en réduisant leur impact sur les ressources disponibles. Cela peut passer, par exemple, par une révision des priorités d’affectation des budgets ou par une nouvelle organisation du travail, permettant d’optimiser la main-d’œuvre et de libérer régulièrement du temps pour que chaque acteur opérationnel puisse suivre une formation continue.

Conclusion

Comprendre l’importance des FOH, c’est comprendre que les performances en entreprise ne dépendent pas que de la « technique » : elles dépendent aussi, et parfois surtout, des dimensions humaines, sociales, environnementales et organisationnelles du travail.

De la même façon, s’arrêter à des solutions techniques pour résoudre des dysfonctionnements de la production et/ou à trouver des responsables ne mène généralement très loin. Seule une analyse approfondie des FOH permet d’identifier des leviers d’action réellement efficaces.

L’analyse des FOH n’apparait ainsi pas comme un simple un outil de diagnostic : c’est surtout une démarche pragmatique qui transforme tout événement indésirable en opportunité d’apprendre et de s’améliorer. En identifiant avec précision ce qui peut être changé, et en apprenant à maîtriser ce qui ne peut pas l’être, les organisations se donnent les moyens de renforcer à la fois leur performance et leur sécurité. C’est un investissement qui, loin d’être accessoire, conditionne directement la capacité à produire de manière fiable et durable.

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