Le management à distance mis en œuvre au sein des réseaux bancaires pendant la crise

Management à distance et réseaux bancaires

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Article rédigé par Gérald Lefeuvre, Directeur d’agence HSBC


Une crise qui a bousculé beaucoup d’a priori

Auparavant, les banques considéraient que le télétravail ne pouvait pas s’appliquer aux collaborateurs présents en agence. Elles estimaient que les clients devaient pouvoir rencontrer leur conseiller physiquement. Revendiquant cette proximité qui les différencie des banques en ligne, elles pensaient que le télétravail était, de fait, en contradiction avec la culture du service client qu’elles prônent.

Mais en mars 2020, la situation épidémique de la Covid-19 bouscule les théories. L’état d’urgence sanitaire est instauré. Le télétravail devient la règle et les banques de réseau sont dans l’obligation de le mettre en place. Néanmoins, elles n’y sont pas préparées. Il faut donc équiper informatiquement les collaborateurs et repenser l’organisation existante.

Beaucoup de managers sont déstabilisés face à cette situation inédite. Eux qui avaient l’habitude de gérer des équipes sur le terrain se retrouvent désormais avec des collaborateurs alternant entre présence en agence et travail à la maison. Très vite, la question suivante se pose :

 

« Comment manager une équipe à distance au sein d’un réseau bancaire, ou plus précisément, comment maintenir la proximité malgré la distance ? »

 

Les enseignements de la recherche académique sur le management à distance

La recherche académique permet de mieux appréhender le travail à distance et plus spécifiquement le télétravail, ses avantages et inconvénients, pour le collaborateur comme pour le manager. Ainsi, le collaborateur peut se trouver confronté à plusieurs risques dont le manager doit avoir connaissance afin de mieux les appréhender au quotidien.

Il y a tout d’abord celui de l’isolement, tellement difficile à détecter. Il est certes une conséquence directe de la distance physique mais il provient surtout de la distance psychosociologique qui est perçue par le collaborateur vis-à-vis de ses collègues et de son manager (Taskin, 2010).

Il y a ensuite la baisse du sentiment d’appartenance à l’entreprise qui s’installe insidieusement au fil du temps. Faute d’échanges informels ou de partage d’émotions, les valeurs et le fonctionnement de l’entreprise se perdent.

Le manager doit également prêter attention à l’équilibre vie professionnelle/vie privée du collaborateur. La frontière entre les deux univers devient en effet plus subtile et le collaborateur peut en souffrir.

Tous ces risques peuvent affecter la motivation et avoir un impact sur le travail et l’harmonie de l’équipe. C’est pourquoi, le manager doit être attentif aux signaux faibles afin d’ajuster son management (Léon, 2021).

Il doit par ailleurs tenter de maintenir la cohésion d’équipe (Thévenet, 2017). Il veillera donc à multiplier les échanges informels afin de reproduire autant que possible les nombreuses interactions qui existent en agence.

Il doit ainsi maîtriser les moyens de communication digitalisés, comme la visioconférence, qui permet la transmission des informations de manière équitable et favorise l’émulation collective. Et il doit éviter les écrits sujets aux interprétations parfois erronées.

L’autre difficulté pour le manager est de s’assurer que ses collaborateurs réalisent correctement leurs missions. Faut-il pour cela qu’ils les contrôlent plus ? Il semble que non. Le maître mot, c’est la CONFIANCE ! Sans confiance, il ne peut pas y avoir de télétravail satisfaisant pour toutes les parties (Léon, 2021). Derrière cela, se joue aussi la question de la responsabilisation, de l’autonomie et de la contribution des collaborateurs à l’atteinte des objectifs (Karsenty, 2015).

Dans tous les cas, chaque collaborateur requiert une attention décuplée. Le manager doit donc être à l’écoute et s’efforcer de prendre des nouvelles de chacun. C’est aussi l’occasion d’aider le collaborateur à s’organiser en définissant par exemple des missions adaptées.

Finalement, le management d’équipe à distance repose incontestablement sur les fondamentaux du management de proximité (Léon 2021). Il exige toutefois du manager une plus grande organisation et une plus grande rigueur qui laissent moins de place à l’improvisation.

Une étude empirique pour en savoir plus

Pour confronter et enrichir le résultat des travaux qui viennent d’être cités, une enquête a été menée au premier semestre 2021. Elle s’est basée sur un sondage (102 personnes y ont répondu) ainsi que des entretiens avec 14 dirigeants et managers travaillant dans différentes banques. La question au centre de cette étude était de savoir ce que pensent les managers du management à distance en pratique ? Leurs réponses font apparaître les éléments suivants.

Pour eux, le postulat de base pour que le télétravail fonctionne est d’abord une volonté sans équivoque des dirigeants de l’instaurer, que ce soit par la mise à disposition de moyens ou l’adaptation de procédures.

Ensuite, la difficulté managériale majeure est le maintien de la cohésion d’équipe. Si certains managers organisent des moments d’échanges informels, à l’instar de la « pause-café » virtuelle, il s’avère compliqué de les faire perdurer dans le temps. En effet, très vite, les collaborateurs se lassent. Il faut alors recourir à des trésors d’imagination pour rendre ces instants plus ludiques et conviviaux.

Globalement, les collaborateurs conservent leur motivation car les managers multiplient les contacts avec eux, leur laissent de l’autonomie et leur font confiance – ou semblent le faire. Car certains managers ne sont toujours pas convaincus de l’intérêt du télétravail et agissent davantage par dépit du fait de la distance imposée.

Toujours est-il que les managers doivent être attentifs à leurs collaborateurs car ceux-ci ont besoin de davantage de support. Ils doivent en outre veiller au respect de leur équilibre vie privée/vie professionnelle. En les accompagnant dans l’organisation de leur quotidien et en leur suggérant un cadre horaire, des effets bénéfiques ont été notés.

Malgré tout, les managers ont souvent du mal à détecter le sentiment d’isolement. Des formations en ce sens pourraient les y aider, sachant qu’ils n’en ont souvent pas bénéficié.

Ils découvrent d’autre part les travers de la communication à distance. Des mails mal interprétés aux moments de solitude vécus lors des visioconférences, le manager apprend – souvent seul – de ses erreurs et s’adapte. S’il maîtrise assez bien les outils numériques, il doit encore mieux les appréhender. Une formation sur ce thème ou des échanges de bonnes pratiques entre managers seraient sans nul doute profitables.

En conclusion

Les managers ont dû s’approprier les principes d’un management à distance pour récréer une forme de proximité psychosociologique. Construisant celle-ci avec leur équipe, prenant le temps de tester de nouvelles choses, s’adaptant au profil de chacun, ils se sont armés de patience et de bienveillance pour trouver la bonne posture managériale. Ils en ressortent grandis et vont pouvoir mettre à profit ce qu’ils ont appris, y compris au bureau. Cependant, ils auront besoin à l’avenir de formations sur les spécificités inhérentes à la distance car il est fort à parier que le télétravail s’inscrira désormais dans la durée au sein des réseaux bancaires. Il a en effet révélé beaucoup d’atouts que certains ne soupçonnaient pas et le bilan est plutôt positif. Et si les managers y étaient pour quelque chose ?

Bibliographie

  • Karsenty, L. (dir.) (2015). Quel Management pour concilier performances et bien-être au travail ? Toulouse : Octares Editions
  • Léon, E. (2021). Travail à distance : quels sont les défis et enjeux pour les managers. ESCP Business School
  • Taskin, L. (2010). La Déspatialisation. Revue Française de gestion, 202(3), 61-76.
  • Thévenet, M. (2017). Le manager et les 40 valeurs. Editions EMS Management et Société.

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